Vivre le diaconat autrement !
Vivre le diaconat autrement ! Jean-Luc Duteriez est marié, père de famille, engagé, en ACO, diacre permanent et aumônier du Comité diocésain (CD) d’Arras. Comment vit-il tout cela ? Il répond aux questions de Bernard Tordi, aumônier général de l’ACO.
Peux-tu nous dire en quelques mots ton histoire ?
– Avant toutes choses, je voudrais dire que ceci est mon expérience et ne saurait engager d’autres diacres qui vivent en ACO. J’ai rejoint l’ACO dans les années 80 en région parisienne à la recherche d’une unité de vie : entre famille (marié, 5 enfants), travail, engagements syndicaux, politiques, associatifs, ecclésiaux. J’y ai découvert, par la relecture, la révision de vie, comment Dieu vient à notre rencontre dans nos vies. En 1991, suite à une mutation professionnelle je rejoignais une équipe ACO du bassin minier, dans le Pas de Calais. En 1994, mon curé m’interpellait pour cheminer vers le diaconat. Lui avait en tête une réflexion sur l’avenir des paroisses sans prêtres, et moi d’abord la découverte d’un autre visage d’Église. J’ai été ordonné en décembre 2000, à 53 ans. Ma lettre de mission m’orientait vers la Mission ouvrière, les chômeurs et précaires, mes engagements à l’époque. 5 mois plus tard, militant politique, je suis élu conseiller municipal. Je partageais alors la délégation à la Solidarité avec une camarade, membre de l’ACO. 6 ans après, l’équipe ACO éclatait : âge avancé, déménagement, surcharge de responsabilités. Je me retrouvais sans équipe, tout en continuant de participer aux temps forts du Mouvement, en lien avec une équipe naissante sur Hénin-Beaumont.
Tu as accepté d’accompagner un Comité diocésain ACO dans ton diocèse. Comment et par qui as-tu été appelé ? En quoi consiste ta mission ? Qu’est-ce qui a motivé ton accord ? Et que mets-tu en œuvre ?
– Aumônier diocésain ! Un appel, il y a donc 4 ans suite à une rencontre avec l’aumônier et le Bureau diocésains de l’ACO. On me demandait de participer aux Bureaux et aux temps forts en animant des moments de prière, des partages d’Évangile. J’ai accepté la mission en précisant que je n’étais ni théologien, ni spécialiste du spirituel ! Je partagerais mon expérience, mon vécu.
J’ai donc reçu une lettre de mission/nomination de mon évêque. Mais on ne m’avait pas parlé de participer aux rencontres d’inter-diocèses Nord-Pas de Calais, d’animateurs et aumôniers de la province, au Bureau de la Mission Ouvrière diocésaine, etc. C’est parfois lourd, mais toujours enrichissant.
Pourquoi j’ai accepté ? Je venais d’arrêter mes mandats en tant qu’élu. J’avais besoin d’un ressourcement et de retourner à la rencontre des personnes. Cette mission d’aumônier ne me semblait pas trop chronophage. C’était aussi le moyen d’étendre ma réflexion par la pratique sur la place d’un diacre dans l’ACO : membre, responsable, sans équipe, représentant l’Église, chargé de la prière, etc…
Peux-tu dire en quoi cette place nouvelle en ACO enrichit, nourrit, questionne ton diaconat ?
– Ma relation avec l’ACO en tant que diacre a été un peu complexe : il y a eu des moments de rejet : « L’Église nous prend un militant, il va remplacer les prêtres pour les sacrements, il prend notre mission d’évangéliser le monde ouvrier… » Il y a eu des moments d’ignorance, de refus : « Ça sert à rien, on connaît pas, on n’a pas besoin… » Il y a eu des moments utilitaires : « II manque un responsable, un trésorier, un représentant, un aumônier, un délégué… Tu ne pourrais pas ?»
Il m’a fallu beaucoup de temps pour pouvoir réintégrer une équipe, dans laquelle aujourd’hui je suis un membre comme les autres, avec ses engagements, ses responsabilités, sa vie personnelle. Mon diaconat est un engagement parmi d’autres et il apporte son éclairage propre, comme tous les engagements personnels. Au niveau du Bureau diocésain, même si chacun a encore une étiquette, l’évolution se fait en direction d’une responsabilité partagée où chacun agit en fonction des circonstances, de ses disponibilités et de ses charismes.
En retour peux-tu dire que ton diaconat donne un cadre, un sens à ce service du Mouvement ? Comment questionne-t-il l’ACO ?
– Membre de l’ACO ou diacre, je n’ai jamais fait de différence. Nous avons la même mission : témoigner de notre foi aux portes de l’Église, là où elle n’est pas, être au service des plus « pauvres ». La mission de l’ACO est une mission diaconale et beaucoup de militant-e-s pourraient être diacre ! L’ordination est le signe que cette mission vient de l’évêque, donc de l’Église tout entière et elle m’est confiée pour que je la partage avec tous, et pour moi avec les membres de l’ACO. Cette ordination me donne aussi autorité pour intervenir au nom de l’Église à certains moments de la vie, baptême, mariage, décès. J’essaye de limiter ces interventions aux personnes avec qui je suis en relation : qu’elles soient membres de l’ACO ou dans les associations ou instances auxquelles je participe. C’est une chance de pouvoir aller jusqu’à cette démarche officielle dans l’Église, avec quelqu’un qui partage notre vie dans le quotidien.
Jean-Luc, es-tu un diacre heureux en ACO et plus largement ? Quelles sont les occasions que tu as de relire, de partager cette mission ?
– Cette nouvelle mission m’oblige à préciser et éclaircir ma relation avec Dieu, dans la prière et dans la lecture de la Bible. Comment ces textes, témoignages d’une rencontre avec Quelqu’un, m’invitent à découvrir la présence de Dieu dans ma vie ?
Est-ce que l’on m’a confié cette mission d’aumônier parce que je suis diacre ou parce qu’on a estimé que j’en étais capable ? Je ne sais, probablement un peu les deux. L’ordination diaconale ne m’a pas donné la science infuse de l’aumônerie, elle m’appelle à être au service de l’Église et de mes frères, à être le signe, le rappel à tous de la mission confiée aux baptisés. Donc être aumônier, pour moi, n’est pas particulièrement un service diaconal, simplement un souvenir du temps où seul les prêtres ordonnés occupaient ces postes. Tous, nous sommes invités à partager notre foi, nos connaissances, notre vécu.
Enfin, en te remerciant de t’être prêté à ce dialogue, quelles sont les questions qui t’habitent, et celles que tu aimerais poser au Mouvement ?
– Je me sens parfois un peu seul dans cette fonction. Il est difficile d’en parler avec d’autres et, à ma connaissance, il n’y a pas de lieu spécifique de relecture. Une petite fraternité de diacres, un lien fort avec une communauté de religieuses en monde ouvrier m’ont permis d’avoir des espaces pour partager ma mission. N’oublions pas ma femme, premier lieu de partage avec aussi ses remarques, son écoute, son avis différent et ses rappels à un minimum d’équilibre de vie.
Jean-Luc Duteriez