Diaconat permanent : le ministère du lavement des pieds (Marseille)

Lettre à mes frères diacres

CHERS FRÈRES,

Il y a soixante ans, le 21 novembre 1964, était promulguée par le pape Paul VI la constitution dogmatique Lumen gentium, fruit de la réflexion des pères conciliaires sur l’Église. Le numéro 29 de cette constitution proposait le rétablissement du diaconat permanent, un ministère qui avait existé dans l’Église des premiers siècles, et dont les pères de Vatican II, voulant le promouvoir à nouveau, définis­saient ainsi l’objectif: « Servir le peuple de Dieu dans la « diaconie » de la liturgie, de la Parole et de la charité, en communion avec l’évêque et son presbyterium » (Lumen gentium 29). Mais ce qu’avaient en vue les pères conci­liaires, à savoir un soutien ministériel aux « jeunes Églises », notamment en Afrique et en Asie, ne se réalisa pas, et ce sont plutôt les Églises « de vieille chrétienté », en Europe et en Amérique tout particulièrement, qui ont peu à peu déployé ce nouveau ministère ordonné. L’Esprit saint est toujours surprenant ! Et, comme le disait jadis Charles de Foucauld à son ami Gabriel Tourdes, « on travaille souvent pour autre chose qu’on ne croit ».

Soixante ans ! C’est déjà beaucoup, mais, nous le sentons bien, ce n’est qu’un début ! Nous avons besoin de donner un nouveau souffle à cette vocation si belle, si nécessaire et si particulière. Car, même si la théolo­gie et la pratique du diaconat sont encore en évolution au sein de l’Église, je sais combien, dans notre diocèse, vous avez su déployer, parfois à tâtons, mais toujours avec beaucoup de joie et de confiance, la fécondité de cette triple diaconie, « de la liturgie, de la Parole et de la charité » dans les circonstances particulières de l’appel de chacun. Le dossier principal de ce numéro d’Église à Marseille s’en fait largement l’écho, en donnant la parole à plusieurs d’entre vous, à des épouses, à des enfants, à d’autres membres, laïcs ou ordonnés, de notre famille diocésaine. Je suis très heureux que soit ainsi mis en valeur votre ministère, car celui-ci n’est pas toujours facile à comprendre. En effet, on est souvent tenté de le comparer à la mission du prêtre, en relevant ce que vous faites « de moins », ou bien à la mission du laïc, en cherchant ce que vous faites « de plus » ! Or, c’est au ministère de l’évêque que vous êtes directement liés, et ce n’est qu’en relation avec le ministère épiscopal de communion que le vôtre prend sens. À la fois comme un salutaire grain de sable qui rappelle, à temps et à contretemps, que la communion est encore imparfaite tant que les pauvres ou les plus éloignés n’ont pas été rejoints, mais aussi comme un savoureux grain de sel qui encourage l’assemblée à reconnaître la présence et l’action vivifiantes de l’Esprit dans le monde, cet Esprit qui appelle les témoins du Fils à le rejoindre pour la mission. C’est la raison pour laquelle, à bien y réfléchir, votre ministère est central pour la mission de l’Église.

Paradoxalement, ce qui fait que votre ministère est central, c’est qu’il décentre l’Église d’elle-même. Alors que, par vocation, vous devez vous rendre proches de ceux qui sont le plus loin des réseaux ecclésiaux, dans la liturgie diocésaine, vous êtes placés au plus près de l’évêque, juste à côté de sa cathèdre, non pas pour démontrer votre savoir-faire liturgique, mais plu­tôt pour signifier la prédilection du Seigneur pour ses enfants les plus fragiles, ceux que la société éloigne et que la miséricorde de Dieu va chercher en premier. Vous êtes comme ceux qui portent le paralytique et qui, bra­vant tous les interdits, viennent le placer aux premières loges, tout près de Jésus (cf. Mc 2, 1-12). C’est là toute la dignité, et parfois tout l’inconfort, de votre ministère, qui enrichit grandement la vie diocésaine et stimule sur le chemin de la sainteté non seulement tous les bapti­sés, mais aussi les autres ministres ordonnés, prêtres ou évêques, leur rappelant que la dimension diaconale reste à jamais au fondement de leurs vocations.

Afin de donner un nouvel élan et une plus grande cohérence à l’appel, au discernement et à la formation au diaconat, j’ai décidé de relancer, dès le mois de sep­tembre prochain, une année de prédiscernement, dans le but de fournir à tous ceux qui s’interrogent sur le diaco­nat permanent et n’excluent pas l’hypothèse qu’ils pour­raient être appelés à exercer ce ministère, les éléments de réflexion et l’accompagnement spirituel dont ils ont besoin. Je remercie François Debelle, diacre permanent, d’avoir accepté de veiller, avec moi, avec le père Xavier Manzano et avec une petite équipe, sur cette période de discernement et de formation des futurs diacres.

Quant à moi, par cette lettre, je tiens à exprimer ma profonde reconnaissance envers vous-mêmes, chers frères diacres, envers vos épouses et vos enfants, et à vous redire toute ma confiance. Pour marquer le soixan­tième anniversaire, je vous invite d’ores et déjà à vous organiser pour pouvoir participer, autant que possible, au Jubilé des diacres permanents qui aura lieu à Rome du vendredi 21 au dimanche 23 février 2025. Avec les vicaires généraux, nous serons heureux de vous y accompagner.

Merci, chers frères diacres du diocèse ! Merci à vos épouses et à vos enfants ! Que le Seigneur bénisse vos ministères et que la Vierge de la Garde protège l’élan missionnaire de vos coeurs ! Mon estime, ma gratitude et ma prière vous accompagnent.

+ Jean-Marc Aveline, le 27 mai 2024

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