Dans l’Eglise du IIIème et IVème siècles, consolidation et expansion du diaconat
Période que l’on désigne comme celle de l’apogée du diaconat
A Alexandrie au début du IIIème siècle, Saint Clément et Origène parlent des évêques, prince et serviteur de tous, des prêtres et les diacres ordonnés au service des personnes. Origène est critique vis-à-vis des diacres, il parle de « diacres qui n’administrent pas bien les tables de l’argent de l’Église mais se trouvent en fraude à leur égard ».
La Didascalie, Didascalia Apostolorum, est un document du IIIème (peut-être vers 230). Elle nous montre des hésitations dans la composition et la prééminence du clergé. Une certaine suprématie des diacres qui sont comparés au Christ sur les prêtres comparés aux apôtres. Mais le prêtres sont aussi qualifiés de sénat et d’assesseurs de l’évêque, ils sont placés autour de l’autel. Les diacres sont nommés les troisièmes ce qui suggère qu’ils viennent après évêque et prêtres. En revanche les diacres semblent avoir un prestige dépassant ceux des prêtres. Nous sommes peut-être à la naissance de la crise dans les relations prêtres diacres. La Didascalie précise aussi les fonctions des diacres qui a leur charge sociale et charitable s’ajoute d’assurer divers services pendant les rassemblements liturgiques – accueil des étrangers et des pèlerins, soin des offrandes, surveillance de l’ordre et du silence, soin de la bienséance de l’habillement.
La tradition apostolique d’Hyppolyte de Rome (mort en 235) présente pour la première fois le statut du diacre dans l’Eglise. Il appartient au groupe des personnes « ordonnées » par l’imposition des mains. Cette « ordination » est donnée uniquement par l’évêque (ch8). Cette liaison définie la tâche des diacres à la disposition de l’évêque mais il l’exclut du conseil des presbytes.
Concernant la liturgie, la tâche des diacres est d’apporter les offrandes et de les distribuer. Dans l’administration du baptême, son rôle est d’accompagner le presbyte, de lui servir « l’huile des catéchumènes et le chrême et aussi de descendre dans l’eau avec celui qui reçoit le baptême » (ch21). Les diacres ont aussi un engagement dans l’enseignement « qu’ils se réunissent et instruisent ceux avec qui ils sont à l’Église (ch39). Quant aux activités concernant l’aide au prochain, il semble qu’ils les pratiquent en étroite liaison avec l’évêque.
Selon Saint Cyprien de Carthage (200 – mort décapité en 258 lors de la persécution de Valérien. Dont la biographie a été écrite par le diacre Pontius de Carthage). Les diacres viennent en troisième lieu dans l’ordre de la hiérarchie. « Les diacres ne doivent pas oublier que le Seigneur a lui-même choisi les apôtres/évêques, tandis que les diacres, ce sont les apôtres qui, après l’ascension du Seigneur, les ont institués pour être ministres de leur épiscopat et de l’Eglise… ». Néanmoins en exil, Cyprien s’adresse aux prêtres et aux diacres pour traiter les problèmes disciplinaires. Ils les appellent souvent « clerus ». Les diacres sont souvent présentés comme en charge de l’exercice de la charité mais aussi de l’administration des biens de la communauté.
On peut résumer en disant que le diaconat présent dans toutes les Églises dès le IIème siècle avec des rôles sensiblement identiques atteint sa stabilisation au IVème siècle. Dans les directives synodales et conciliaires de cette époque, le diaconat est considéré comme élément essentiel de la hiérarchie de l’Église. Au synode d’Elvire (306 – 309) on note son rôle prépondérant comme administrateur de l’Église. Par ailleurs, bien que le synode impose une certaine limitation dans l’engagement liturgique, il donne aux diacres la possibilité de donner l’absolution des péchés dans les cas urgents et de présider à titre exceptionnel l’Eucharistie. Mais ces attributions sont contrariées par le synode d’Arles (314) et surtout celui de Nicée (325).
Les constitutions apostoliques qui sont un recueil impressionnant des collections juridiques rédigées au IVème siècle reprennent les différentes parties de ce que l’on trouve concernant les diacres que nous avons énuméré précédemment. Elles cherchent aussi à faire des liens avec l’ancien testament. « Le diacre représente l’œil, l’oreille et la bouche de l’évêque pour que l’évêque n’ait pas à s’occuper de la multitude des affaires mais seulement des plus importantes, comme Jéthro l’établit pour Moïse, et son conseil fut bien reçu ».
Dans l’Euchologion de Sérapion (fin IVème siècle) figure la prière d’ordination du diacre. Le texte de la prière évoque les canons de l’Eglise, les trois degrés de la hiérarchie. Il se réfère aux Actes des apôtres chapitre 6, les 7 pour le service des tables pour désigner l’ordination du diacre.
S’il y a une certaine unanimité dans les déclarations des Pères de l’Église au IVème siècle, quelques dissensions ressenties dès le IIIème siècle perdurent concernant les places respectives presbytes diacres. Ces clivages se sont sans doute aggravés lorsque le christianisme s’est répandu en province, les évêques et les presbytes quittaient les villes à contrecœur à l’inverse des diacres qui le faisaient bien volontiers en s’octroyant certains droits des presbytes.
Le IVème siècle marque un aboutissement du processus de reconnaissance du diaconat comme degrés de la hiérarchie ecclésiale, situé après l’évêque et les presbytes avec un rôle défini. Lié à la mission et à la personne de l’évêque ce rôle se déclinait en 3 tâches : le service liturgique, le service de prêcher l’Évangile et d’enseigner la catéchèse, ainsi que l’activité sociale incluant les œuvres de charité et une activité administrative selon les directives de l’évêque.
La popularité des diacres connait alors une grande croissance en raison d’une proximité avec le peuple mais aussi avec les moines, c’est l’apogée du diaconat dans les premiers siècles de l’Église.
Benoît XVI dans son encyclique Deus Caritas est de 2006 reprend au n°25 ces 3 tâches concernant l’ensemble de l’Eglise: « la nature profonde de l’Eglise s’exprime dans une triple tâche : annonce de la Parole de Dieu (kerugma-marturia), célébration des sacrements (leitourgia), service de la charité (diakonia). Ce sont trois tâches qui s’appellent l’une l’autre et qui ne peuvent être séparées l’une de l’autre. La charité n’est pas pour l’Eglise une sorte d’activité d’assistance sociale qu’on pourrait laisser à d’autres, mais elle appartient à sa nature, elle est une expression de son essence elle-même, à laquelle elle ne peut renoncer ». Le diaconat rétabli depuis Vatican II comme ordre permanent en est le sacrement.