Diacres en Diaconie Synode
Comment marchons-nous ensemble au pas des plus pauvres ?
Diacres en Diaconie A plusieurs reprises en 2022, des diacres de différents diocèses engagés auprès des plus pauvres ont exprimé quatre grandes convictions pour que les personnes en précarité soient réellement acteurs de la démarche synodale, au moment où nous fêtons les dix ans de Diaconia 2013.
Réunir les conditions pour marcher ensemble
L’Evangile de Marc (10,46-52) évoquant la guérison de l’aveugle Bartimée nous enseigne qu’il faut savoir interrompre la marche pour entendre l’appel de celui qui est au bord du chemin. Le rythme dans nos paroisses et nos services diocésains est souvent incompatible avec les moyens à mettre en œuvre pour que la parole des plus pauvres advienne. La volonté d’efficacité nous amène à projeter le point d’arrivée, alors qu’il nous faut changer notre cœur pour entendre cette parole : garder une attitude humble, accepter d’être dérangés par l’autre, le regarder comme un frère en Christ. En effet, l’inattendu de Dieu se révèle et s’offre à celui qui écoute : c’est un vrai bonheur d’en être les témoins dans l’exercice d’une Diaconie élargie à tous, en particulier à ceux dont on n’écoute pas la parole.
Pour que toutes nos paroisses et nos services diocésains avancent avec les plus pauvres, mettons-nous en marche ensemble avec eux pour pouvoir répercuter l’appel de Jésus « Confiance, lève-toi, Il t’appelle » (Mc 10,49).
Laisser la parole des pauvres éclairer la Parole de Dieu
Nous sommes convaincus que nous avons besoin de la parole des pauvres pour nous en nourrir quand nous partageons la Parole de Dieu. Leur proximité avec l’Evangile, la familiarité qu’ils ont avec cette Parole qui résonne dans leur vie, montrent un lien particulier avec elle. Ne disent-ils pas souvent : « ça, c’est ma vie » quand ils partagent la Parole ? Les pauvres font l’expérience du manque et vont à l’essentiel : une commune humanité .
La parole des pauvres, comme la Parole de Dieu, nous déplace en profondeur dans nos attitudes et nos habitudes. Les pauvres nous témoignent de la force de la Parole de Dieu, qui leur révèle leur dignité et désaltère leur soif de spiritualité. Comment faire pour que cela puisse devenir source pour toute la communauté ? Les recommandations du Rapport Coffy en 1981 à l’assemblée plénière de l’épiscopat sur l’avenir de l’Eglise restent d’une étonnante actualité : « la Diaconie exige que l’Eglise crée des lieux et des conditions où les hommes puissent renaître à eux-mêmes et à leur propre parole ».
Considérer la mission comme moisson
L’Esprit Saint travaille et ne s’est jamais arrêté de travailler… Restons humbles, Il a semé depuis des générations ! Jésus nous appelle à la moisson : « la moisson est abondante et les ouvriers peu nombreux » (Lc 10,2).
Les plus pauvres n’ont jamais cessé de nous évangéliser. Dieu admire leur courage et leur foi. La Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres et par les pauvres. Comme le dit le pape François : « je désire une Église pauvre pour les pauvres. Ils ont beaucoup à nous enseigner. En plus de participer au sensus fidei, par leurs propres souffrances, ils connaissent le Christ souffrant. Il est nécessaire que tous nous nous laissions évangéliser par eux. La nouvelle évangélisation est une invitation à reconnaître la force salvifique de leurs existences, et à les mettre au centre du cheminement de l’Église. Nous sommes appelés à découvrir le Christ en eux, à prêter notre voix à leurs causes, mais aussi à être leurs amis, à les écouter, à les comprendre et à accueillir la mystérieuse sagesse que Dieu veut nous communiquer à travers eux » (EG §198). Puisqu’il en est ainsi, il est important de changer de regard sur la notion même de mission : les protocoles qu’on se donne, style management et marketing, peuvent être mortifères pour une vraie rencontre à l’écoute de l’Esprit Saint. Ils risquent de réduire la Diaconie à une coordination d’œuvres caritatives et l’évangélisation à un catalogue de messages désincarnés.
La mission – moisson est un agir pastoral et une attitude spirituelle qui nous amène à écouter, à relever la richesse des pauvres et à permettre à la communauté de recevoir, à travers eux, les « secrets du Père » (cf Lc 10,21).
L’art de la moisson exige de la délicatesse, de la patience, de la justesse pour discerner le temps favorable pour cueillir les fruits de l’Esprit. A coup sûr, ne pas écouter les plus pauvres, c’est laisser les fruits de l’Esprit pourrir sur la branche : c’est alors du gâchis, une récolte perdue pour l’Eglise… une saveur de moins qui était pourtant indispensable pour le bien et la vie du corps entier !
Vivre la fraternité évangélique
Il existe des tensions entre la nécessité que nous sentons de vivre la fraternité avec les plus pauvres et les limites de nos possibilités (accueil chez soi, vacances ensemble…).
Comme cela est vrai pour chacun de nous, cela souligne la nécessité de faire communauté et de ne pas se risquer seul.
Quels nouveaux fonctionnements d’Eglise reconstruire avec les plus pauvres qui nous déstabilisent ? Sans doute faut-il revisiter les commencements de la primitive Eglise ! Mais il faut aussi se laisser guider par le besoin et le désir des personnes en précarité – « Que veuxtu que je fasse pour toi ? » ( Mc 10,51) – en construisant à partir d’eux, avec eux et pas à leur place, afin d’expérimenter la communion. Pour vivre ensemble, avec nos différences, voire nos oppositions, et remettons en cause nos fonctionnements qui conduisent à l’exclusion.
La diaconie s’ouvre à une Eglise « en diaspora », où les plus pauvres sont toujours à rejoindre ailleurs. Ceux qui ne sont pas là manquent à l’Eglise rassemblée.
Marchons à leur pas en étant disponibles pour une écoute active, en nous donnant du temps, en nous laissant modeler par eux. La table de la Parole et la table de l’Eucharistie nous permettent de trouver les forces nécessaires pour signifier notre désir de marcher ensemble avec tous sans oublier personne. La table de la Parole et la table de l’Eucharistie nous éduquent et nous forment au sacrement du Frère, pour être avec tous les « Bartimée » de la terre, des disciples de « Celui qui est venu pour servir et non pas pour être servi »
(cf Mt 20,28).