Diacres au travail – Des mots pour le dire
Diacres au travail – Des mots pour le dire
Pour un diacre en situation d’activité professionnelle, le travail est un élément central de sa vie – pas seulement en temps passé, de son identité et de ses engagements. Il se vit avec d’autres, dans un écosystème de relations professionnelles très large et diversifié : collègues, élèves, patients… supérieurs hiérarchiques et clients… ; pour certains, il se vit aussi avec un engagement syndical.
Au sein du diocèse de Créteil, la réflexion sur le ministère diaconal au travail est ancienne. À l’issue de la célébration d’ordination, chaque diacre reçoit de notre évêque une lettre de mission qui précise (en ces termes ou d’autres très proches) que : « Comme tous les diacres, vous êtes appelé à vivre votre ministère de diacre dans votre famille et dans votre milieu professionnel, par votre écoute et votre témoignage. »
Aussi, son ministère diaconal « qui prend toute sa vie et pour toute sa vie » se vit pleinement au travail, sous des formes diverses qu’il convient de regarder et de relire.
Dans la suite du synode diocésain, une démarche de recherche-relecture sur le ministère des diacres au travail avec les diacres du diocèse de Créteil était lancée en mai 2018 par le Conseil diocésain du diaconat. Dix-sept diacres ont répondu entre juillet 2018 et janvier 2019. Ces réponses très riches sont en cours d’analyse. Mais sans attendre plus, cet article s’en fait l’écho en privilégiant la dernière partie de la relecture qui invitait les diacres « à dire » leur ministère de diacre au travail en 4 à 5 lignes puis en 4 à 5 mots.
Une cartographie des mots proposés a été réalisée[1] ; sur le graphique ci-dessous, la taille des mots est significative de la fréquence de citation, leur couleur d’une certaine proximité sémantique.
Le mot le plus fort Écoute puis Bienveillance et Présence, suivi d’Accompagnement, Attention, Proximité, Discrétion… etc.
Cette cartographie est, « par construction », limitée car prenant en compte un total de 64 citations en 47 mots, avec des occurrences de 7 à 1. Elle permet cependant de saisir immédiatement, de façon très visuelle, un ministère d’écoute et de présence pour chaque diacre dans son lieu de travail, au milieu des autres (collègues, élèves, patients…), comme le laissent entendre les éléments de relecture proposés par chacun.
Un ministère d’écoute, de présence et d’accueil, bienveillant pour accompagner avec attention et en proximité, partager la vie et les soucis des autres en toute discrétion…
« Il s’agit d’un ministère tout en discrétion qui s’exerce dans le ‘’colloque singulier’’ que j’ai avec le patient à mon cabinet. […] J’ai la chance d’exercer un métier qui permet de vivre pleinement l’Évangile. » (D03)
« C’est pour moi un ministère qui préfigure la mission de tout baptisé. […] C’est être au service des autres et savoir être à l’écoute de leurs difficultés et de leurs attentes. C’est être attentifs à la vie de ceux qui nous entourent, sans préjugé et sans jugement, et de tenter de toujours apporter une ouverture aux différentes questions posées. » (D15)
La pratique d’un accueil à priori favorable, ouvert, disponible, confiant et tolérant, pour des relations de qualité…
« Il s’agit d’aimer son travail et ses objectifs économiques et sociaux ; […] manifester, sans prosélytisme, une présence discrète dans l’univers du travail en étant signe d’espérance, d’unité, d’humanité et de joie, car le travail est un lieu où toutes ces dimensions ont totalement leur place. » (D09)
Un ministère qui s’engage avec humanité, qui prend soin des autres, des frères, pour soutenir le plus faible…
« Un ministère d’accueil, un ministère d’écoute de réalités personnelles difficiles au travail ou en famille ; un ministère du prendre soin, prendre soin – y compris dans la durée – de celui ou celle qui est en grande difficulté ; un ministère de l’agir avec d’autres et pour d’autres, notamment par l’action syndicale. » (D06)
« Le ministère du diacre au travail, tel que je l’ai vécu, se situe à la croisée des chemins et des relations dans un milieu qui n’est pas toujours très tendre, qui est souvent un lieu d’affrontements permanents et de luttes pour exister. Pour ma direction, une reconnaissance de cette humanité bénéfique au bon fonctionnement de l’entreprise… mais aussi un regard permanent qui peut mettre mal à l’aise un management pas toujours très clair. Pour mes collègues, une reconnaissance de la validité de leur travail, un soutien dans les moments difficiles, et un appui pour grandir en humanité. Pour mes clients, le respect d’un engagement qui les dépasse et permet d’avoir d’autres relations pour aller plus loin. » (D17)
Un ministère vigilant pour la justice et la vérité, l’impartialité et l’intégrité, mais aussi une unité du ministère, qui est également compétent…
« Cela a exigé de ma part un grand souci de justice et de vérité (attention au contre-témoignage) et cette exigence m’a aidé dans mes discernements sur certains sujets difficiles. » (D11)
« Travailler tout en vivant la fraternité. Le souci du collègue et de tout ce que je rencontre au travail, prier pour eux, soutenir, osez une parole quand il y a de l’injustice. Présence discrète mais écoutante comme sur le chemin d’Emmaüs. » (D13)
Un ministère caché et enfoui, mais qui porte témoignage et révèle, un ministère de l’entre-deux et de l’aller et retour…
« Mon ministère de diacre au travail est un ministère où se vit la pauvreté et l’humilité : pauvreté des échanges et des rapports humains, humilité de l’enfouissement, de la vie cachée… » (D05)
« Cette visibilité pour certains collègues et cette réalité d’enfouissement au milieu des autres est à la fois une vraie chance et parfois peu évidente à vivre. » (D07)
« C’est un ministère qui est au cœur de la vie. […] La vie au travail et le travail ont du sens pour l’Église. À travers notre ministère, l’Église prend au sérieux le travail de l’homme. […] C’est un ministère qui en proximité nous oblige à oser une parole (Évangile) et nous engage à (p)oser des actes…(d’Église). C’est cette vie que j’ai mission de faire remonter à l’Autel. » (D12)
Un ministère qui accueille le Christ au milieu des frères, dans la prière, l’amour et la charité… Un ministère d’espérance et de miséricorde, un ministère de joie… « cœur brûlant »…
« Deux réalités en tension permanente, mes fonctions de contrôleur général – et syndicaliste, avec des compétences ‘’d’autorité’’ attendues et reconnues par mes pairs, et mon ministère diaconal ‘’d’accueil et d’écoute’’ reconnu par mes collègues. En quelque sorte le ministère d’un entre-deux qui dit quelque chose de l’Église d’aujourd’hui, attentive aux joies et aux peines des hommes, qui enrichi une Église présente dans le monde, signe de l’amour de Dieu pour chacun. Pour le dire autrement, le diaconat comme ministère de la miséricorde – partager l’amour de Dieu pour chacun – dans le monde du travail et qui plus riche ‘’du travail des hommes’’ revient en Église. » (D06)
« Un grand défi : accorder les exigences de ma foi – le déploiement de mon ministère – avec celles imposées par ma situation professionnelle… très difficile certains jours ! Une belle découverte qui atténue la difficulté du premier point : le Christ est bien présent au cœur de ma vie, y compris professionnelle. Il m’a souvent aidé : il est tantôt à mes côtés, quelques fois à ma place et mieux encore en face de moi… » (D16)
François FAYOL +d
[1] Réalisée avec l’outil informatique Wooclap puis retraitée avec le logiciel de dessin CorelDRAW. Merci à Noémie Fayol pour sa bonne connaissance de ces outils informatiques.
Diocèse de Créteil – Diacres 94 n° 60 – Avril 2021