Un service à deux mains !
LE DIACONAT, UN SERVICE À DEUX MAINS
Editorial de l’évêque de Troyes L’ÉVÊQUE ET LE DIACREDans un beau texte des premiers temps de l’Église, la Didascalie des Apôtres (Ille siècle), on peut lire « Que le diacre soit l’oreille de l’évêque, sa bouche, son cœur et son âme ». Le lien entre l’évêque et les prêtres est assez simple à définir : la prière de l’ordination presbytérale parle de prêtre comme « collaborateur » de l’évêque. Il prend sa part du ministère apostolique de l’évêque, de cette charge qu’il a d’enseigner, de sanctifier et de servir le peuple de Dieu. Le lien entre le prêtre et l’évêque est celui de la mission pastorale. Pour ce qui est des diacres, leur rôle, nous dit Vatican II, est d’assister l’évêque et son presbyterium dans le ministère de la communauté (Lumen Gentium, 2) ; leur ministère est donc un ministère du service de la vie croyants des hommes et de la manière dont l’Église peut rejoindre cette vie, par la proclamation de la Parole de Dieu, la célébration liturgique et l’exercice de la charité. Evêque/DiacreCeci crée un lien particulier entre le ministère de l’évêque et celui du diacre. Le ministère du diacre ne se définit pas d’abord, par des choses à faire ou des missions à accomplir, même si chaque diacre peut recevoir une mission particulière selon son histoire, ses aptitudes et les besoins de l’Église locale, discernés par l’évêque. Ce qui caractérise la mission du diacre est de l’ordre de l’être même de l’Église. Il veille à ce que le théologien Alphonse Borras appelle « l’identité apostolique de la foi », c’est-à-dire qu’il veille à ce que l’évêque (et les prêtres) puisse(nt) remplir leur ministère de faire vivre la foi du peuple de Dieu, en annonçant la Parole de Dieu, en célébrant les sacrements et en exerçant la charité. C’est en acte que les diacres ont à être l’oreille, la bouche, le coeur et l’âme de l’évêque. Ils sont totalement au service de la mission apostolique ; celle sans laquelle il n’y a pas d’Église. Aujourd’hui on leur confie toute sorte de missions, y compris des responsabilités diocésaines. Quelle que soit leur mission, ce n’est jamais une tâche de suppléance, faite d’un autre pour la remplir. Ils agissent pour ce que l’évêque a à faire comme pasteur soit accompli. Exercer la charité de l’ÉgliseIl en est de même dans le rapport du diacre au prêtre, collaborateur de l’évêque. Aujourd’hui dans une paroisse, la responsabilité pastorale est confiée au prêtre et à l’équipe pastorale paroissiale. Le diacre ne remplace pas le prêtre. Il est au service de sa mission et celle de l’équipe pastorale. Il y a parfois eu des incompréhensions entre les curés et les diacres qui étaient avec eux, parce que les uns craignaient la concurrence de pouvoir des autres, alors que ceux-ci avaient le sentiment d’être mis à l’écart. Le diacre n’est pas un pasteur, c’est un serviteur, et toutes les charges qu’il peut exercer y compris du type pastoral, c’est au titre de la charité pastorale qui est la charge de l’évêque, et pour le service de laquelle il est ordonné. On a souvent assimilé le diacre à un expert en « charité caritative » ; non, il a mission d’exercer la charité de l’Église et de l’évêque dans toutes les dimensions de la vie humaine et chrétienne, mission dans laquelle il témoigne que le Christ parle et agit au milieu de ceux auxquels il est envoyé. D’où l’importance du lien entre le diacre et l’évêque. Il atteste que la mission de l’Église (de l’évêque) est bien remplie. Il l’atteste par sa disponibilité, son écoute des attentes du peuple de Dieu et le coeur avec lequel il y répond. L’attention aux besoins du peuple de Dieu et la réponse de l’Église relèvent de la sollicitude pastorale de l’évêque. Il lui incombe d’envoyer en mission des diacres comme témoins de cette sollicitude pastorale, et de la volonté de l’Église d’y donner suite. + Marc STENGER Évêque de Troyes |
. . Le 24 octobre, notre Église diocésaine sera en fête ! Mgr Marc Stenger ordonnera diacres permanents Alain ANTOINE et Jean-Philippe DEPOISSON. Être diacre, c’est prendre l’engagement et recevoir la mission de se tenir au seuil pour servir gratuitement et être signe de l’amour de Dieu pour tout homme, quelles que soient sa culture, son histoire, ses blessures, ses pauvretés. Après un aperçu de la situation du diaconat permanent dans notre diocèse, ce dossier présente les composantes de ce ministère du service. Réjouissons-nous de ces deux ordinations et, comme le pape François nous y invitait en mai dernier, « prions pour que les diacres, fidèles à leur charisme au service de la Parole et des pauvres, soient un signe stimulant pour toute l’Église. » |
LE DIACONAT PERMANENT DANS LE DIOCÈSE DE TROYES
Combien le diocèse de Troyes compte-t-il de diacres permanents ? Les deux premiers diacres permanents ont été ordonnés en 1987 ; depuis, ce sont 23 diacres qui ont été ordonnés. Actuellement, le diocèse compte 20 diacres dont un venu d’un autre diocèse. Quatre sont décédés et deux ont quitté le diocèse.
Comment devient-on diacre dans le diocèse de Troyes ? Le Comité diocésain du Diaconat, dans la mission qu’il a reçue, est chargé, en lien avec les différentes communautés chrétiennes du diocèse, de repérer les lieux où des pauvretés en vie et en Évangile appellent un service diaconal, et de susciter des appels pour prendre en charge ces pauvretés. Des personnes sont interpellées et commence alors un processus de discernement ; après une première année, dite de pré-discernement, l’interpellé entre dans un cycle de formation ; simultanément une équipe est formée pour l’accompagner dans son discernement ; il est également suivi par un conseiller spirituel. S’il est marié, l’épouse de l’interpellé est pleinement associée à ce cheminement. Au bout de ce temps de formation et de discernement, la démarche de l’interpellé, jusqu’alors vécue dans la discrétion, devient publique par la célébration d’admission parmi les candidats au diaconat. Puis le candidat reçoit les ministères institués du lectorat (service de la Parole de Dieu) et de l’acolytat (service de l’Eucharistie et des prières personnelle et communautaire). Enfin, a lieu l’ordination diaconale.
Où résident les diacres du diocèse de Troyes ? — 12 sont dans l’Espace Agglomération troyenne : Didier, Astier, Francis Boivin, Laurent Bour, François Cacheux, Alain Couturier, Bernard Gardot, Bruno Guelorget, Joël Jolain, Dominique Lefranc, Marc Lionnet, Michel Marty et Philippe Prunet. — 3 sont dans l’Espace Côtes des Bar : Yann Brard, Dominique Galmiche et Etienne Molderez — 3 sont dans l’Espace Forêts d’Othe et Armance : Gérard Françoise, Alain Moreau et Gilles Pinet — 2 sont dans l’Espace Seine en Plaine Champenoise : Gilles Boyez et Jean-Claude Chambon L’Espace Plaine et Lacs n’en compte aucun.
DIACRE POUR LE SERVICE : DE LA PAROLE, DE LA LITURGIE, DE LA CHARITÉ
Le ministère du diacre comprend trois composantes : Parole, Liturgie, Charité. Ces trois ministères sont concentriques : le centre est le Christ serviteur, c’est Lui qui définit le triple ministère du diacre.
Ministère de la Parole Le jour de son ordination, l’évêque remet au diacre l’évangéliaire avec ces paroles : « reçois l’Évangile du Christ que tu as mission d’annoncer ; sois attentif à croire ce que tu liras, à enseigner ce que tu as cru, à vivre ce que tu auras enseigné » Le diacre reçoit la tâche de prêcher l’Évangile, qu’il a d’abord accueilli, de le convertir en foi vivante, de le transmettre aux autres, de l’accomplir lui-même au jour le jour. Ce service de la Parole s’incarne dans différents domaines : l’homélie, l’accompagnement de groupes, la préparation aux sacrements … Mais ce ministère du diacre ne se limite pas à transmettre et actualiser la Parole dans le cadre de groupes de croyants. Le diacre est chargé de faire retentir la Parole en tous lieux de vie et au coeur de toute réalité humaine, dans ses rencontres au quotidien : pas forcément au travers de grands discours mais en tout cas au moyen d’une présence aimante qui sache écouter, faire naître la parole vraie, instruire, soutenir, relever, se faire prochain des plus démunis, selon l’exemple même de Jésus.
Ministère de la Liturgie La liturgie est le sacrement, le signe, de l’Église. Le diacre exerce ce service au cours de l’Eucharistie, lors des baptêmes et des mariages qu’il est appelé à célébrer, dans la conduite de prières, notamment la prière des heures (laudes, vêpres) … Le diacre est ordonné pour le service du Peuple de Dieu qu’il aide à devenir un peuple de serviteurs. Mais tout ce que nous vivons est christique. Le temple de Dieu, c’est le monde. Dans le service de la liturgie, le diacre exprime cette liturgie habituelle de tous les jours. Quelques gestes et attitudes lui permettent de vivre cela dans la liturgie — une présence au seuil de l’église — la prière universelle — la préparation de l’autel : la goutte d’eau versée dans le calice accompagnée de la parole « comme cette eau se mêle au vin pour le sacrement de l’Alliance, puissions-nous être unis à la divinité de Celui qui a pris notre humanité. » — au moment de la doxologie qui conclut la prière eucharistique, porter le sang du Christ : le diacre est le témoin de ceux qui n’ont pas la parole, des misères du monde. — l’invitation à échanger la paix du Christ, l’envoi.
Ministère de la Charité Par sa présence, le diacre manifeste le caractère essentiel du service qui est l’autre nom de la charité fraternelle. Sa mission consiste dans l’Église à être signe de ce service et à inviter ses frères chrétiens à servir. Actes des apôtres 6,1-6 (texte de l’« institution des diacres ») En ces jours-là, comme le nombre des disciples augmentait, les frères de langue grecque récriminèrent contre ceux de langue hébraïque : ils trouvaient que, dans les secours distribués quotidiennement, les veuves de leur groupe étaient désavantagées […]
Les Douze convoquèrent alors l’assemblée des disciples et ils leur dirent : « Il n’est pas normal que nous délaissions la parole de Dieu pour le service des repas. Cherchez plutôt, frères, sept d’entre vous, qui soient des hommes estimés de tous, remplis d’Esprit Saint et de sagesse, et nous leur confierons cette tâche. Pour notre part, nous resterons fidèles à la prière et au service de la Parole. » […] On les présenta aux Apôtres, et ceux-ci, après avoir prié, leur imposèrent les mains.
Les apôtres ont imposé les mains sur les sept, ce qui n’est pas nécessaire pour le simple service des tables : cela veut dire que la mission du diacre est plus que cela ; c’est de l’ordre de la mission du Christ serviteur qui a annoncé la Bonne Nouvelle par son service. Le ministère de la charité est un ministère d’annonce de la Bonne Nouvelle. Et, plus particulièrement, il préfigure le Christ par l’amour préférentiel pour les petits et les pauvres.
Didier Astier, diacre délégué diocésain au diaconat
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TÉMOIGNAGE D’ALAIN COUTURIER
Le service de la Parole
Ce titre m’invite à vous dire que pour être au service de la Parole, il faut la connaître, la scruter, la méditer et en vivre ! D’ailleurs, la première fois où j’ai lu la Bible, je me suis posé bien des questions et notamment « comment s’y prendre ? » Ma chance fut la rencontre avec un jésuite à qui je me suis confié et qui m’a dit : « si tu veux comprendre l’Église, prends des cours et travaille : cf Actes 8,30-31 : « Philippe dit à l’Éthiopien : est-ce que tu comprends ce que tu lis ? » ». Et c’est au fur et à mesure de mes découvertes, que j’ai saisi que cette Bible est un livre de la vie, de notre vie avec des évènements joyeux comme des déclarations d’amour, des mariages, naissances, guérisons, etc … mais aussi avec de sordides histoires : assassinats, meurtres, viols, incestes, etc… La Bible montre toute la réalité du monde et de chacun. Toutefois, j’ai compris que ce n’est pas une « affaire » uniquement intellectuelle, mais qu’il me faut écouter cette Parole de Dieu, la laisser résonner en moi pour savoir ce qu’elle me dit, afin d’y répondre fidèlement dans le quotidien de mes journées. Cf Luc 8,21 : « Ma mère et mon frère, ce sont ceux qui écoutent la Parole de Dieu et qui la mettent en pratique. »
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TÉMOIGNAGE DE FRANCIS BOIVIN
Le service de la Liturgie
Ordonné diacre depuis trente ans, je n’arrête pas de découvrir les beautés de ce ministère en particulier ses joies comme « gardien du service dans l’Église ». Joie dans le service de la Parole Une Parole proclamée dans l’Évangile permettant à chacun de découvrir l’amour de Dieu. Une Parole annoncée dans mon service de « charnière » entre le service du prêtre et celui de la communauté. Une Parole de joie dans les baptêmes et les mariages, une Parole d’espérance durant les funérailles, une Parole partagée dans des groupes de réflexion, dans des retraites avec les enfants. Joie dans le service de l’autel « Comme cette eau se mêle au vin pour le sacrement de l’alliance, puissions-nous être unis à la divinité de Celui qui a pris notre humanité». A cet instant, je pense particulièrement à tous ces visages rencontrés au quotidien dans ma vie professionnelle auprès des enfants, des jeunes et de leurs familles, auprès des membres de la communauté éducative de Saint Bernard, dans ma mission auprès des malades et des personnes âgées, dans les chorales. Ma présence à l’autel signifie que l’on ne peut séparer le sacrement de l’autel et le sacrement du frère. En présentant la coupe au prêtre, le diacre manifeste ce qui a été exprimé durant la prière universelle, c’est à dire, l’union de la vie des hommes à l’offrande du Christ qui a assumé notre humanité. Joie de transmettre la paix J’encourage mes frères et soeurs à demeurer dans cette paix et à en témoigner chaque jour en s’ouvrant au service de l’Église et du monde. Joie de la prière La Liturgie des Heures, prière continue de l’Église, est pour moi une force et un soutien, une respiration vitale indispensable avant toute action ou engagement. Joie de conduire la prière dans des groupes de partage, méditation du chapelet, adoration du Saint Sacrement. Je rends grâce à Dieu pour toutes ces joies par l’intercession de la Vierge Marie, servante du Seigneur et de Saint François d’Assise « l’homme dont les diacres doivent s’inspirer » (Pape François).
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TÉMOIGNAGE DE LAURENT BOUR
Le service de la Charité
« Charité bien ordonnée commence par soi-même. » Ce proverbe signifie que la manière dont je m’occupe de moi n’est pas sans influence sur la manière dont je m’occupe des autres. En gros : « Comment aimer les autres si je ne m’aime pas moi-même ? Comment apprendre aux autres à gérer un budget si je dépense sans compter ? » Quand j’ai été sollicité pour ce témoignage sur ma façon de vivre le service de la charité, j’ai tout de suite eu en tête cette phrase que l’on dit à tort prôner l’égoïsme. Or je voudrais dire que mon ordination, et même l’interpellation au diaconat, m’ont obligé à revisiter l’image que j’avais de moi. Il s’était agi pour moi de me poser la question de mon engagement professionnel auprès des personnes qui n’en peuvent plus parce qu’elles ont été trop bringuebalées par la vie. Au lieu de me dire « comment Dieu me met là où je suis ? » je me demandais « comment je mets Dieu dans mon travail ? » Et je partais dans la mauvaise direction parce que je ne partais pas du bon endroit. Dieu m’aime, il ne veut que mon bonheur, Dieu aime les femmes et les hommes qu’il a créés, il ne veut que leur bonheur. Par mon travail je peux dire que la vie vaut le coup, que chacun a du prix, que s’aimer soi-même est une bonne chose. Combien de personnes souffrent de ne s’être jamais pardonné telle ou telle action. Si je m’aime vraiment, alors cet amour doit me conduire à me sortir de moi-même car « il n’est pas bon que l’homme soit seul ». S’aimer soi-même ne signifie pas attendre d’être parfait pour pouvoir aider ensuite les autres, c’est avant tout s’accepter avec ses misères petites ou grandes pour pouvoir rejoindre celui qui n’attend même plus une main secourable. Ce sont elles qui nous donneront l’humilité nécessaire au service de la charité.
Revue Catholique « L’Eglise dans l’Aube » n°10 – octobre 2020