Au coeur de la crise, des motifs d’espérer
Élections
Au coeur de la crise, des motifs d’espérer
Les chrétiens sont naturellement conduits à s’intéresser à la chose publique. Diacre, chargé des relations avec le monde politique et les élus, Guillaume Houdan tire les leçons des élections municipales.
La crise sanitaire et économique liée au coronavirus a profondément perturbé le déroulement du processus électoral au printemps. Remarquons cependant qu’il est allé à son terme, et que, face aux événements, non seulement les municipalités ont continué de fonctionner mais que les élus locaux ont fait preuve d’un engagement remarquable trop peu souligné. Malgré cette crise, dans cette crise, on peut repérer quelques tendances qui doivent attirer l’attention des catholiques.
Une abstention inquiétante
52 % d’abstention à Neufchâtel-en-Bray, 56 % à Dieppe, 58 % à Yvetot, 62 % à Rouen (70 % au second tour!)… Comme dans le reste de la France, jamais l’abstention pour une élection municipale n’a été aussi massive. La faute au Covid ? Je crois qu’on a trop vite invoqué cette raison. Certes, le risque de contamination a constitué un frein, et a certainement expliqué une bonne part de l’abstention chez les plus âgés. Mais on doit aussi resituer ce manque de participation dans le contexte d’un certain désarroi face à l’action politique (réforme des retraites, gilets jaunes, rejet des partis politiques…). Nous devons être attentifs à cette colère qui s’exprime dans les manifestations, parfois violentes, et ne croît plus au processus démocratique. La politique a comme objectif de maîtriser la violence. Comme catholique, nous devons contribuer à une société fraternelle et, pour reprendre les mots de Jean-Paul II, rien ne justifie « ni le scepticisme ni l’absentéisme des chrétiens pour la chose publique » (Exhortation apostolique Les laïcs fidèles du Christ).
Un réinvestissement politique local
Est-ce lié au doute grandissant sur les capacités réelles de l’élu à agir sur la politique nationale? Le mandat local connaît un regain d’attractivité. Cette année, on a vu ainsi le député de la 5e circonscription de Seine-Maritime, Christophe Bouillon, pourtant estimé par ses pairs à l’Assemblée, choisir, après trois ans de mandat, d’abandonner celui-ci pour conquérir la mairie de Barentin. Son jeune suppléant, Bastien Coriton, maire de Caudebec-en-Caux, pour qui s’ouvrait un horizon national, a préféré renoncer pour se consacrer à son mandat local : « Aujourd’hui, l’action locale est celle où j’ai l’impression d’être le plus utile » a-t-il déclaré (Libération, 25 août 2020). Edouard Philippe, quittant ses fonctions de premier ministre, s’est montré heureux de retrouver son mandat de maire, « le plus beau des mandats ». À Rouen, le nouveau maire et président de la métropole, Nicolas Mayer-Rossignol, s’affirme sans autre ambition que celle de réussir ces mandats. Assiste-t-on à une sorte de ressourcement ? Une volonté de retrouver plus de proximité entre l’élu et le citoyen ? La recherche du bien commun, pour ne pas rester théorique, commence au niveau des responsabilités quotidiennes, c’est ce que nous nommons « subsidiarité ». Il reste que nous avons aussi besoin d’hommes et de femmes qui s’engagent pour un vivre ensemble plus global.
Les questions environnementales de plus en plus présentes
L’écologie n’a manqué dans un aucun programme! Elle est même devenue centrale pour nombre de candidats. À Rouen, si la liste étiquetée écologiste a gagné un certain nombre d’élus dans la majorité, la question environnementale a été très présente chez tous les candidats durant la campagne. Dans le reste de la France, à l’issue de ces élections, les écologistes sont à la tête d’un certain nombre de communes. Il est intéressant de noter, parmi ces nouveaux élus, la présence de catholiques, comme Pierre Hurmic, nouveau maire de Bordeaux (nonobstant ses propos sur le sapin de Noël). Sur le diocèse, je constate cet engagement de catholiques « verts ». Premiers effets politiques de l’encyclique Laudato Si ? Le pape François appelle explicitement à l’engagement de chrétiens pour « sauvegarder la Création » On ne peut que s’en réjouir, en rappelant qu’il est légitime parmi les chrétiens de respecter le pluralisme (voir Gaudium et Spes, Vatican II, ou plus récemment Pour une pratique chrétienne de la politique des évêques de France). Ce pluralisme d’engagement politique des baptisés ne peut être qu’une richesse pour nos communautés d’Église.
Guillaume Houdan
Repères
• Le Compendium de la doctrine sociale de l’Église que l’on trouve intégralement sur le site du Vatican
• Notre Bien commun, publié par la Conférence des évêques de France aux éditions de l’Atelier.