Un diacre dans l’enseignement

Frédéric Dumont, diacre dans l’enseignement du diocèse d’Avignon

La joie de transmettre aux jeunes et d’accompagner les couples

Marié et père de quatre fils, Frédéric Dumont, qui habite près de Carpentras (Vaucluse),  est, à 39 ans, le plus jeune diacre de son diocèse. Après avoir enseigné l’histoire  et la géographie pendant douze ans, il est aujourd’hui proviseur adjoint d’un lycée général  et technique. Il dévoile les joies que lui procurent son métier et ses missions diaconales.

En quoi consiste votre métier de proviseur adjoint ?

Je n’ai plus d’élève en face de moi et j’ai même perdu le droit d’enseigner puisqu’en passant avec succès les concours, j’ai intégré un nouveau corps, celui des personnels de direction. J’ai donc 1 200 élèves sous ma responsabilité, mais je n’ai plus de contact direct avec eux et quand je les vois, c’est rarement pour les féliciter, plutôt pour régler des difficultés : problèmes d’emploi du temps, d’élèves perdus dans leur orientation… Si je n’ai plus le plaisir de voir de jeunes esprits s’éveiller au savoir, j’ai gagné une relation particulière et riche avec les enseignants, les personnels administratifs, techniques, les surveillants, etc. Dans le dialogue, je dois leur montrer que j’ai des idées intéressantes en matière pédagogique. Je dois aussi apprécier ce qu’ils savent faire de bien. Ils sont demandeurs de valorisation de ce point de vue-là.

Devenir enseignant, puis proviseur adjoint, était-ce une vocation ?

Je ne me suis pas dit de toute éternité que je serais professeur. Je suis arrivé là un peu par hasard parce que ça ne marchait pas trop mal : le bac, puis la classe préparatoire, la licence et la maîtrise d’histoire. J’ai réussi les concours et ça m’a plu. Au début, au faubourg de Béthune, à Lille, ç’a été un peu difficile car auparavant, pendant un an, j’avais enseigné à des enfants de militaires dans un lycée de Saint-Cyr-l’École, près de Versailles, où le public était très facile, avec une grande soif d’apprendre.Quand je suis arrivé dans ce quartier populaire de Lille, il m’a fallu une année ou deux pour m’adapter. Avec le temps, j’ai découvert la joie de transmettre un savoir à des jeunes qui n’ont pas l’habitude d’avoir des repères adultes devant eux, dans leur famille ou leur entourage. Ensuite, si je suis devenu proviseur, c’est qu’un principal de collège m’a interpellé en me proposant de passer le concours car il pensait que je pourrais assumer correctement cette fonction. Cela se passe souvent ainsi, un peu comme l’interpellation au diaconat.

Justement, comment s’est déroulée  votre interpellation au diaconat ?

C’est le prêtre de ma paroisse d’alors, à Lille, qui m’a demandé un jour, en 2005, d’y réfléchir, à l’occasion d’un repas chez nous. Mon épouse était alors engagée dans le catéchisme, elle était professeur des écoles dans un établissement lié à la paroisse et nous avions de multiples liens avec cette communauté chrétienne. J’ai répondu « oui » assez vite car cela me paraissait cohérent par rapport à mon histoire. Cette proposition n’a pas surpris mon épouse qui s’y attendait peut-être plus que moi. En réalité, je connaissais assez mal ce ministère. Quand j’étais jeune, à Lyon, l’idée de devenir prêtre m’avait effleuré car j’en côtoyais un certain nombre en tant que chanteur dans la maîtrise de la primatiale Saint-Jean.

Quelles sont aujourd’hui vos missions diaconales ?

J’ai été ordonné en octobre 2010 dans le diocèse de Lille où je reste incardiné. Quand nous sommes arrivés dans le Vaucluse, il y a quatre ans, l’évêque d’Avignon, Mgr Jean-Pierre Cattenoz, nous a simplement demandé de prendre nos marques, en famille. Nous avons surtout été investis au début dans notre vie paroissiale, puis, petit à petit, nous avons intégré une équipe de la pastorale familiale. Je suis aujourd’hui en charge d’une journée des fiancés à la demande de l’évêque. Il s’agit d’organiser les échanges et la réflexion au cours de cette journée où les jeunes qui se préparent au mariage se retrouvent, une fois par an. Plus largement, nous souhaiterions instaurer des rendez-vous réguliers, au cours de l’année. J’ai aussi été sollicité pour prendre en charge la question des divorcés remariés. Je vais écouter leurs besoins, essayer de trouver ma place entre l’aspect très pratique et l’accompagnement spirituel de ces personnes. Ma femme s’est, de son côté, reconvertie, à la suite d’une formation, en conseillère conjugale et familiale. Nous formons donc un couple très marqué par ces questions-là. C’est très riche, mais je crains aussi d’être un peu trop spécialisé sur ces questions : il y a tellement d’autres missions possibles. J’aimerais bien, par exemple, m’intéresser à la question de la vie spirituelle en prison. Je dois demeurer disponible et accepter d’être surpris par ce qui pourrait m’être demandé.

Vos collègues savent-ils que vous êtes diacre ? Quelle est leur réaction ?

J’ai su assez tard que ça s’était su très tôt ! Ça s’est su en salle des professeurs, avec peut-être des craintes, des fantasmes. Mes collègues ont vu ensuite que ça ne m’empêchait pas de travailler correctement. Mon ministère m’a valu des échanges très intéressants, une fois la porte du bureau refermée. Je me souviens d’un professeur qui venait de se séparer de sa compagne. Il était loin de se douter que j’étais engagé dans la pastorale familiale. Un jour, il a craqué et est venu me parler. À la fin, il m’a glissé : « Il paraît que vous êtes chrétien ? » Même le mot « diacre » ne lui est pas venu à l’esprit, ça ne lui disait rien. Le fait d’être identifié comme chrétien, pour certains, c’est déjà en soi un signe de disponibilité. Un autre exemple me vient en tête : j’ai travaillé pendant quatre ans avec une proviseure, aujourd’hui partie à la retraite, qui était très anticléricale, franc-maçonne et homosexuelle. Elle savait pertinemment quels étaient mes engagements, mes convictions religieuses. Mais ça s’est très bien passé sur le plan professionnel : nous nous rejoignions sur la façon de diriger le lycée, sur les rapports humains, sur des valeurs fortes. À aucun moment nous n’avons eu besoin d’une mise au point sur ces questions.

Et avec vos élèves lorsque vous étiez enseignant ?

Je me souviens de quelques jeunes filles musulmanes qui avaient des foulards suffisamment grands pour laisser penser qu’elles portaient le voile. Sans jamais dire, bien entendu, que j’étais catholique — car la loi me l’interdit — j’ai eu l’occasion d’échanger avec elles sur leurs choix de vie, sur leurs choix religieux. Je leur apprenais parfois des choses sur leur propre religion. C’était aussi intéressant pour moi de comprendre comment ces jeunes femmes parvenaient à concilier leur culture familiale, traditionnelle et les valeurs républicaines françaises du XXIe siècle.

Propos recueillis par Romain Mazenod pour la revue DIACONAT AUJOURD’HUI