Nos fragilités sont source de fécondité

Une fois n’est pas coutume ! Bientôt nous lirons à la messe l’aveugle de Bartimée. Etant aveugle également, je vais vous partager quelques réflexions liées directement à ma situation.

Comment vivre nos fragilités ? Question que chacun de nous peut se poser.
Aveugle de naissance, je n’ai jamais vu la beauté des montagnes pyrénéennes quand j’étais enfant. Je n’ai jamais vu les moutons brouter et les agneaux gambader dans les prés de mes parents qui étaient bergers. Je n’ai jamais vu le visage de Marie-Catherine, mon épouse, ni celui de nos enfants et petits-enfants…
Je pourrais continuer longtemps… Tout cela me manque et c’est parfois douloureux. Le seigneur nous invite à prendre notre croix et à le suivre. La souffrance est là présente dans mon corps, dans ma vie de tous les jours. Cette croix est portée aussi quotidiennement par mon épouse.
À Foi et lumière, nous apprenons à vivre avec la souffrance, on ne peut pas la nier. J’ai découvert que le handicap comme beaucoup de souffrances est une croix qui n’est pas toujours une croix lumineuse et parfois on aimerait bien qu’elle passe à quelqu’un d’autre !

Le handicap n’est pas une force. Croire cela voudrait dire que les personnes handicapées seraient avantagées par rapport aux autres. Impossible à croire !
Pire encore, on pourrait souhaiter que tout le monde soit handicapé. C’est absurde ! Je ne souhaite à personne d’être handicapé.

Certes, je ne vois pas les merveilles de Dieu mais je les chante ! Ce que je crois et que je vis à Foi et lumière c’est que nos fragilités peuvent être source de fécondité. J’ose croire que ma fragilité, à cause de ma cécité, est source de fécondité.
Marie-Catherine a toujours vu en moi une personne, avant de voir le handicap.
Elle a toujours cru que construire un couple avec une personne aveugle était possible. J’ai la chance d’avoir 4 enfants qui y voient. J’ai eu la chance de travailler à la Macif, j’ai pu faire vivre ma famille. J’ai surtout la chance d’avoir la Foi, quelle grâce ! Pourquoi le handicap, pourquoi la souffrance ? je n’en sais rien. Ce que je sais c’est que ce n’est pas la volonté de Dieu. On ne peut pas croire en un dieu qui voudrait la souffrance. Jésus m’accompagne, je le crois et je le vis tous les jours. Jésus ne vient pas supprimer la souffrance mais il prend nos souffrances avec lui… Je peux dire par ma vie, que même si je suis handicapé, ma vie vaut la peine d’être vécue. J’ai la prétention de penser que par mon témoignage j’aide des gens à avancer, à se relever, à croire que l’on peut être heureux malgré tout et que le Christ est à nos côtés

Cette fécondité est présente par mon ministère diaconal. Je suis très reconnaissant à Mgr Favreau d’avoir osé m’ordonner et de m’avoir fait confiance. La fragilité je la vis à chaque célébration, j’ai toujours besoin de quelqu’un pour m’aider. Quand je suis à l’autel le service de la table est un peu difficile pour moi mais je signifie par ma simple présence que nous avons tous notre place dans l’église. Et nous inventons : pour donner la communion je suis avec mon épouse, elle guide ma main et c’est manifestement un beau témoignage. Dans notre paroisse, les gens me disent leur prénom pour que je sache à qui Jésus se donne. Je reprends en leur disant « Pierre, Paul ou Françoise le corps du Christ » et les gens sont touchés de s’entendre dire que c’est bien à chacun, nominativement, que le corps du Christ est donné. Je suis heureux de baptiser des enfants mais j’ai encore besoin d’aide. Ce sont des grands jeunes qui participent de près, avec moi aux célébrations. Ils sont, de ce fait très attentifs et entrent plus profondément dans la célébration ! J’ai la chance d’avoir une belle voix, par mon chant des psaumes ou de l’évangile je peux proclamer la parole de Dieu d’une façon toute particulière, Mon bonheur est, semble-t-il, perceptible et communicatif. Mais faut-il encore, que la possibilité de chanter, me soit donnée !!!
« Il est grand le mystère de la Foi ! » Le grand message de Foi et lumière c’est qu’il nous faut vivre un cœur à cœur avec le Seigneur. Il nous faut vivre de la présence de Dieu avant de chercher absolument à le connaître et ce cœur à cœur est possible pour chacun de nous.

Nos fragilités sont source de fécondité, si chacun trouve sa place dans la société et dans l’église et s’y nous donnons à chacun la place qu’il doit prendre !

Par nos vies nous donnons du goût à l’église et au monde. A travers nos vies, nous portons la lumière du Christ ressuscité.

André Haurine

Eglise Catholique dans les Hauts-de-Seine

Dans la revue ‘Ombres et Lumière’  de l’OCH – Office Chrétien des personnes handicapées de janvier-février 2017: L’aveugle qui guide, André Haurine, diacre