diacres proches du réseau Saint Laurent

Weekend des diacres proches du Réseau Saint Laurent le 1er mars 2019 à Fain les Moutiers

Introduction de Gilles Rebêche (diocèse Fréjus Toulon)

Vous pouvez télécharger le document de Gilles Rebêche

Préambule

Au cours de « l’Université de la Solidarité et de la Diaconie » en octobre 2017, la présence effective d’une vous_avez_dit_fragile_novembre_2017_lourdes_universite_diaconie_3cinquantaine de diacres pour participer à cet évènement a été remarquée par de nombreux témoins. Personnellement, cette présence massive de diacres dans un évènement national consacré à la diaconie m’a permis de réaliser que nous vivions un moment exceptionnel.

Pierre Davienne, a été lui aussi impressionné par cette présence diaconale notoire. Étant l’un et l’autre membre du Réseau St Laurent, à l’initiative de cette Université et du rassemblement Diaconia 2013, nous avons pensé utile de proposer une rencontre spéciale pour les diacres du Réseau St Laurent. C’est l’objet de notre rendez-vous d’aujourd’hui à Fain Les Moutiers et nous voudrions vous partager notre joie de cette première rencontre des diacres du Réseau St Laurent.

Nous savons que plusieurs réseaux de diacres existent en France autour de spiritualités particulières ou d’orientations pastorales : les diacres de la famille du Prado, les diacres du réseau ignacien, les diacres en lien avec le secours Catholique, les diacres liés à la Mission de France, les diacres qui travaillent au sein des Apprentis d’Auteuil, les diacres de la Mission ouvrière, les diacres du renouveau charismatique… Peut-être d’ailleurs que certains d’entre vous sont au sein d’un de ces réseaux ?

Alors pourquoi donc rajouter une nouvelle instance comme celle d’aujourd’hui : les diacres du réseau St Laurent ?

Gilles Rebêche

Gilles Rebêche

Je voudrai pouvoir y répondre par quatre convictions :

  1. Saint Laurent est une figure « tutélaire » du diaconat très inspirante pour comprendre la diaconie de l’Église
  2. Le réseau St Laurent est le fruit d’une série de rencontres improbables qui a tissé une culture de la diaconie qui ne veut pas se construire sans les pauvres eux-mêmes, sans l’écoute de la Parole de Dieu, et sans une fraternité ecclésiale
  3. Le Réseau St Laurent, reconnu par la conférence épiscopale de France, est une chance pour permettre aux diacres de trouver leur place dans l’animation de la diaconie au sein de leur Église locale
  4. Le Réseau st Laurent porte au sein de l’Église catholique une question cruciale de gouvernance pastorale pour l‘avenir de nos communautés : Pourquoi encore imaginer une diaconie sans diacre et des diacres sans diaconie ?

1. Saint Laurent est une figure « tutélaire » du diaconat très inspirante pour comprendre la diaconie de l’Église.

Saint Laurent à San Lorenzo de Rome

Saint Laurent

La figure du diacre Laurent a éclairé l’histoire de l’Église d’une manière toute particulière. Intendant de la diaconie de l’Église de Rome au IIIème siècle, il a imprimé dans la mémoire ecclésiale le lien très fort entre le service des pauvres (cf son témoignage devant l’empereur qui le conduisit au grill : « Les pauvres sont le trésor de l’Église ») et le service de la communauté, ce même lien si fort entre la triple diaconie de la Parole, de la liturgie et de la charité qui s’exprimait dans son attachement inconditionnel à son Évêque (cf la parole qu’il adresse au Pape Sixte à l’heure des persécutions : « Comment un Évêque peut-il aller au martyre sans son diacre ? Ai-je mal élevé la coupe du salut à tes côtés ? »

Au moment de la restauration du diaconat au Concile Vatican II, la figure du diacre Laurent a été une référence importante de l’Église primitive : l’évangélisation, la communion, passent par l’option préférentielle pour les pauvres.

Mgr Rodhain, fondateur du secours Catholique et promoteur du diaconat a fait de St Laurent le patron de la Caritas.

Dans le sud de la France, il y a autant d’Églises dédiées à St Laurent qu’à St Pierre : c’était une façon de manifester le lien à l’Église de Rome, dont l’Evêque, selon la tradition de st Ignace d’Antioche, est celui qui préside à la charité des Églises.

2. Le réseau St Laurent est le fruit d’une série de rencontres improbables qui a tissé une culture de la diaconie qui ne veut pas se construire sans les pauvres eux-mêmes, sans l’écoute de la Parole de Dieu, et sans une fraternité ecclésiale.

Le réseau St Laurent s’est constitué à partir d’une série de retrouvailles à Lourdes entre des groupes et communautés diverses issues de la fécondité du mouvement ATD Quart Monde et de la pensée du Père Joseph Wresinski : Il y avait dès le début la Communauté du Sappel (diocèse de Lyon), la Communauté Magdala (Diocèse de Lille), les Sœurs de la Bonne nouvelle (Diocèse de Toulouse), la Fraternité Saint Laurent de la diaconie du Var (Diocèse de Fréjus toulon),… et l’initiative des Cailloux devenue depuis « La Pierre d’Angle » (à l’origine dans le diocèse de Pontoise).

Ces groupes avaient en commun un compagnonnage de la foi, mais aussi une estime réciproque marquée par un lien d’amitié, ainsi qu’une saine habitude de fréquenter le sanctuaire de Lourdes considéré par les uns et les autres comme un lieu béni et unique où le lien entre le ciel et les pauvres était manifeste. L’identification des pauvres à Bernadette Soubirous et à sa famille était un terrain favorable pour être en communion spirituelle. Quand Bernadette témoigne de l’apparition mariale en affirmant « Elle me regardait comme une personne regardait une autre personne », tous ces groupes y voyaient l’invitation à ce que l’Église, à l’école de Marie, change son regard sur les pauvres.

Habitués à se retrouver à la Cité St Pierre, grâce à l’hospitalité généreuse du Secours Catholique, la magie de la rencontre s’est effectuée grâce à l’anniversaire des 50 ans de la Cité St Pierre. Tous les groupes issus de la mouvance ATD Quart Monde étaient là, mais aussi quelques délégations du Secours Catholique, ainsi que le staff national accompagné par Bernard Thibaud, lui-même membre de la Fraternité Saint Laurent. Il n’en fallu pas plus pour que le « petit miracle » de la naissance du réseau st Laurent se produisit : mettre en lien dans les diocèses de France des initiatives qui veulent vivre la communion ecclésiale en y associant les plus pauvres, en s’enracinant ensemble dans la méditation de la Parole de Dieu et en veillant à rester en communion avec les autres réalités ecclésiales.

Le réseau st Laurent s’est ainsi constitué autour d’une charte de 4 axes :

  • 1 rdv tous les 2 ans à Lourdes « le festival st Laurent » avec les personnes accompagnées
  • 1 rdv de théologie pastorale tous les ans à Nevers faisant se rencontrer théologiens et personnes en précarité
  • 1 série de visitations réciproques pour mieux se connaitre les uns les autres
  • 1 coordination et 1 animation de réseau assurée et financée par le Secours catholique

Ce weekend des diacres est peut-être un cinquième axe qui se dessine.

3. Le Réseau St Laurent, reconnu par la conférence épiscopale de France, est une chance pour permettre aux diacres de trouver leur place dans l’animation de la diaconie au sein de leur Église locale.

Le réseau st Laurent a été le creuset de la préparation du rassemblement Diaconia 2013. Il est, depuis cet évènement, reconnu par la Conférence des Évêques de France et représenté es qualité au Conseil National de la Solidarité.

Il invite les diocèses de France à mettre en œuvre des diaconies diocésaines qui permettent aux plus pauvres de trouver leur place dans la vie ecclésiale. C’est une chance pour permettre aux diacres de mieux se situer dans la diaconie au sein de leur église locale.

Cette année, la Conférence des Évêques de France prépare une assemblée (en automne ou au printemps) avec pour sujet principal la gestion de la diaconie. Ce serait vraiment dommage que les diacres ne se sentent pas concernés par cette réflexion et cette animation.

Le réseau st Laurent peut être pour eux une chance pour y réfléchir… et c’est un peu l’objet de ce weekend qui nous rassemble.

Il y a déjà une trentaine d’années, le Père Michel Rondet, jésuite, avait défini le métier de la diaconie par un double mouvement : « Rendre les pauvres et la Parole de Dieu à l’Église, et rendre l’Église et la Parole de Dieu aux pauvres ». Cette définition reste d’une étonnante actualité, et les diacres peuvent y trouver un fil rouge pour leur ministère. C’est ce double mouvement de la mission diaconale que nous voudrions approfondir ensemble, pour en répercuter un écho dans nos diocèses respectifs.

Après le rassemblement Diaconia 2013, la Conférence des Évêques de France a été tentée d’assurer le suivi de cet élan, en s’appuyant sur les délégués diocésains à la solidarité. Nous avons été quelques-uns à insister sur le fait que cet élan devait s’appuyer plutôt en priorité sur les groupes repérés par le Réseau st Laurent (ces réalités de partage de la foi avec les pauvres disséminés dans nos diocèses…) et sur les diacres. En effet, nous étions et restons convaincus que les diacres ont une grâce spéciale, malgré leur grande diversité de profil, pour enraciner la diaconie dans leur diocèse.

Il y a dans la liturgie eucharistique deux moments particuliers où le diacre manifeste cette spiritualité de la diaconie :

  • Lorsqu’il élève la coupe en silence au côté du prêtre ou de l’évêque qui chante « Par lui, avec lui et en lui ». Le diacre manifeste la communion avec tous ceux qui boivent la coupe jusqu’à la lie à cause des galères, de l’exclusion, de la misère, de la maladie… tous ceux qui en ont « raz la coupe » et se croient parfois abandonnés de Dieu. Le diacre les invite à ne pas baisser les bras, et dans ce geste silencieux, il manifeste par un silence éloquent que la communion ne peut pas se vivre sans eux, que la Présence réelle est aussi celle du serviteur souffrant, qui s’identifie à tous ceux qui sont rejetés
  • Lorsqu’il ramasse les miettes du Corps du Christ en purifiant les vases sacrés, le diacre manifeste que les parcelles du corps du Christ méritent tout notre respect et notre vénération. Son lien avec les pauvres évite de faire de ce rite un « jeu de dinette » mais au contraire, en dévoile tout le mystère. Combien de vie sont des vies en miettes à cause des épreuves, des handicaps de toutes sortes ? Combien d’existences sont considérées comme inutiles, comme des miettes insignifiantes ? Le diacre rappelle que toutes ces vies en miettes sont des parcelles du corps du christ, que tous les pauvres sont le corps même de l’Église. C’est tout cela le mystère de la Diaconie.

4. Pourquoi et comment imaginer encore dans l’Église une diaconie sans diacres et des diacres sans diaconie ?

Nous voilà au cœur des échanges de ce weekend. Même si dans beaucoup de diocèses la question ne se pose même pas, nous voulons à travers cette initiative réunir les diacres du réseau st Laurent.

La diaconie n’est pas une coordination d’œuvres sociales. Ce n’est pas d’abord une organisation mais plutôt un style de vie ecclésiale, dans laquelle les pauvres ne sont pas des objets de la charité mais des sujets de foi, des frères en humanité. Assumer la diaconie, c’est faire en sorte qu’à travers toutes les initiatives (les œuvres caritatives, les associations d’entraide sociale, les pèlerinages, les paroisses, les aumôneries diverses, les groupes de prière, le catéchuménat…) les pauvres soient considérés comme des partenaires, des compagnons de route pour servir ensemble la fraternité… et réparer l’Église.

La figure de St Laurent nous rappelle avec vigueur que si les diacres ne sont pas du côté de l’animation de la diaconie et du service des pauvres, ils n’ont plus de raison d’être. A l’époque de Laurent, les autres diacres, surtout ceux de Rome, étaient surtout accompagnés par les affaires de gestion ecclésiastique, de prestige liturgique et de reconnaissance sociale pour eux-mêmes, et ils ont été en partie la cause de mise en veilleuse du diaconat pendant 15 siècles. Heureusement, la diaconie a, quant à elle, poursuivi son aventure… mais sans les diacres !

St Laurent rappelle aux diacres qu’ils ne peuvent exister qu’avec l’animation de la diaconie et la conviction que « les pauvres sont le trésor de l’Église » !

Ce n’est pas rien que l’idée de restaurer le diaconat au XXème siècle soit née dans les camps de prisonniers pendant la deuxième guerre mondiale. Le creuset de fragilité à l’heure du nazisme et de la déstructuration de l’Europe est un jalon à ne pas négliger.

En ces heures où l’Église est perturbée par une crise profonde de crédibilité, le désir de retrouver le gout et le parfum de l’Évangile est prioritaire.

L’objet de ce weekend est de nous ressourcer dans cette histoire dont nous sommes les héritiers, de partager entre nous le diagnostic que nous faisons de nos difficultés ministérielles pour animer la diaconie…, mais surtout pour de partager nos motifs d’action de grâce dans l’exercice de cette mission qui nous est confiée.

Vu la diversité des régions que nous représentons, il n’est pas exagéré de penser que si les diacres sont suffisamment proches et fraternels de leur évêque, ils sont un levier important de l’Église pour l’aider à reprendre conscience de l’importance de la diaconie dans la gouvernance pastorale et dans sa vision missionnaire.

Si cette question qui est abordée à l’Assemblée plénière des Évêques se fait sans le concours des diacres, ce serait vraiment dommage. Nous devons les uns et les autres témoigner auprès de nos évêques respectifs des enjeux de cette réflexion.

« Écoutons ce que l’Esprit Saint dit aux Églises » que nous représentons !

Bonne réflexion !